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Henri   SIDAMBAROM

UN FILS D'ORIGINE INDIENNE

Droit de citoyenneté

par Arlette MINATCHY – BOGAT

      Ecrivaine indo-caribéenne

Il est le cadet d’une fratrie de 7 enfants, d’une famille d’immigrés indiens, installée depuis leur arrivée en 1854 pour travailler dans les champs de cannes. Il naît sur la terre d’adoption des siens,  le 5 juillet 1863, sur l’habitation Source Pérou à la Capesterre de Guadeloupe.

Henry évolue dans ce milieu agricole, tout en observant son humble famille vivre sous le joug des colons. Il commence sa petite scolarité dans sa commune natale. Cependant, son père Joseph constate que son fils Henry, alors âgé de 7 ans, s’intéresse à tout  et qu’il a une grande capacité de compréhension. Il décide de l’inscrire  en 1870, dans une institution Religieuse, chez les frères Ploërmel, à  la Pointe-À-Pitre, missionnaires de l’époque. Elève intelligent et studieux, il donne satisfaction à ses parents et à ses enseignants. Il y resta 10 ans et  7 mois, pour suivre assidûment sa scolarité primaire et secondaire.

SA VIE PROFESSIONNELLE ET POLITIQUE

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Un fils Guadeloupéen d’origine indienne, un autodidacte, un écrivain public, un homme politique, un défenseur acharné pour la communauté indienne et enfin un héros.

Avec un  parcours fascinant, passionnant voire même captivant, il demeurera à tout jamais gravé dans la mémoire des siens.

             

           

                UN HEROS SERAIT-IL  ?

 


Certes, cet homme autodidacte a ce mérite d’avoir pu affronter avec véhémence l’Administration coloniale de l’époque. Les fils d’immigrés indiens considérés comme   les fils de personne, mais uniquement  des  bourreaux du travail de la canne pour enrichir les colons. Henry a pu se hisser au niveau des hommes célèbres du pays et il en est devenu un. L’intelligence  et l’instruction vont de pairs, mais l’intelligence peut dépasser l’instruction. Oui Henry est un héros et son nom restera gravé dans l’histoire. Que les générations à venir apprennent à connaître le parcours de ce  fils d’immigrés indiens.  Il est certain qu’en attendant quelques décennies plus tard, cette loi serait, certes, votée plus facilement

Henry  abandonne l’école. Il se sacrifie et s’en va seconder son père pour subvenir aux besoins de ses frères et sœurs.

Il veut et doit travailler déclare-t il à son père. Ce dernier contacte deux de ses amis Messieurs Caillachon et Arnassalon  pour le recommander auprès du Commissaire de l’Immigration dont le bureau est au Chef lieu du pays. « La Basse-Terre »

Il est recruté au Bureau Central de l’immigration, en qualité de commis où il donne entière satisfaction, puis,  au grade supérieur il s’occupe des dossiers des immigrants indiens. Il découvre des  irrégularités dès leur départ de l’Inde, mais il a le devoir de discrétion en sa qualité de fonctionnaire.

 

 Le Palais du Conseil Général situé à quelques mètres de son service, c’est tout naturellement qu’il s’y rend, pour assister aux séances parfois houleuses du Conseil Général.

Très  intéressé par la vie politique et économique du pays  en écoutant et  observant les élus délibérer sur certaines affaires, il commence à mieux comprendre le fonctionnement de cette politique coloniale. Il pense déjà qu’il pourrait tenter dans l’avenir cette aventure qu’il trouve captivante. Très jeune, il est conscient qu’il doit laisser le temps au temps.

 

 Après avoir passé trois ans au service de l’Immigration, il décide de rejoindre la ville de Pointe-À-Pitre, au 79, Boulevard Frébault, où il va exercer le métier de commerçant négociant.

Passionné par la politique de la ville, il  se range aux côtés de M. Charles DANAË sur une liste électorale, Après la victoire écrasante de ce candidat, Henry SIDAMBAROM devient en 1897, le premier Indien Conseiller Municipal de la ville de Pointe à Pitre et est élu à la commission financière. Il   assume le  poste de  Rapporteur.

Une nouvelle fois, le sort s’acharne sur lui, il doit retourner à la Capesterre de Guadeloupe, son père est gravement malade et il a le devoir de s’occuper des affaires familiales.

 Hélas ! Son père Joseph Sidambarom  décède. Il doit assumer les charges de la famille.

Il fonde une famille en épousant une jeune indienne du nom de Rose Nagaman Narembin dont les parents sont originaires du Tamil Nadu. Ils auront 7 enfants de cette union. Sa femme l’encourage dans tous ses projets.

Avec ses responsabilités successives, Henry a pris de l’assurance. A Capesterre il prend la succession  de son père et tient une épicerie, une quincaillerie et un magasin de matériaux de constructions.  Il construit un cinéma théâtre de 300 places et une boulangerie coopérative. Il continue comme précédemment à Pointe-À-Pitre  à aider et à  conseiller sans distinction tous ceux qui le sollicitent. Il devient un homme populaire et respecté dans sa commune. Il fonde une société mutualiste « l’obole des travailleurs.  Henry fréquente de grands hommes politiques,  Le Sénateur Adolphe Cicéron, Le député du 1er arrondissement de la Basse-Terre  Gaston  Gerville Réache, ainsi que  le député Gratien Candace et bien d’autres encore.  Autodidacte, il se cultive auprès de ces  hommes célèbres.

En 1900, l’usine Marquisat située à Capesterre  est mise en vente  à la barre du Tribunal de Pointe-à-Pitre, suite au décès de son propriétaire. Tous ses amis et ouvriers de l’usine  l’encouragent à faire l’acquisition en lui assurant leur solidarité de travailleurs.  Il se porte acquéreur  pour la somme 375 000 francs. L’avocat du Crédit Foncier lui demande de verser  le montant sous huitaine, payable en numéraire ou en bons de la Défense nationale sinon la vente sera déclarée nulle pour cause d’insolvabilité. Henry attend désespérément cette somme de sa banque à Paris. La trahison est de mise. Le pouvoir colonial est sans pitié pour un  noir et de plus, fils d’immigrés indiens. Le Crédit Foncier en fait l’acquisition. Henry n’est pas l’homme à se laisser abattre.  Il continue à œuvrer et devient  en 1904  Président de la Ligue des Droits de L’homme et du Citoyen.

 

Tous ses amis l’incitent à se présenter aux élections Municipales. Ensemble ils mènent une campagne électorale et obtient une victoire éclatante. Henry est confiant, il sera le nouveau Maire de Capesterre . La veille ses 26 conseillers sont unanimes et le hisserons au poste de chef d’édilité.  Hélas, nouvelle trahison de la classe dominante blanche qui achète  plus de la moitié de ses conseillers et fait élire un mulâtre : Célestin ANATOLE. Immédiatement Henry démissionne, c’est le chaos total à la salle de  l’hôtel de ville, les bagarres se multiplient. Henry essaie, en vain, de maitriser ses colistiers, la police s’en mêle.

UN DEFENSEUR ACHARNE POUR LA COMMUNAUTE INDIENNE

Après tant de trahison, Henry ne veut  pas s’arrêter là,  le combat prend sa pleine mesure.  En 1904, Henry  fait inscrire  des travailleurs indiens sur la liste électorale. Alerté par des notables et des propriétaires d’habitations de la Capesterre, le gouverneur M. le Vicomte Armand de la Loyère  demande aux Maires de la Commune de faire radier les indiens sur le registre électoral, prétextant qu’ils sont des sujets  britanniques et non des français. Tous les journaux de la colonie en font un gros titre : La Tribune libre, le Nouvelliste, le Citoyen.  L’article fait état du texte suivant : Les indiens nés en Guadeloupe sont-ils français ? Les indiens et descendants d’hindous ne doivent pas être recensés et donc pas de service militaire.  Déjà, des indiens sous les drapeaux avaient été renvoyés dans leur famille.

Henry est outré, il ne comprend pas cette injustice puisque les enfants indiens nés en Guadeloupe ont été déclarés sur un registre français à l’état civil de leur commune.

 

Le journal « le Citoyen » dit davantage : « Pour satisfaire à la demande d’un représentant politique de l’île de la réunion et par complaisance, un Ministre de la République Française a pris la décision de ne pas faire recenser les travailleurs indiens ainsi que leurs fils pour qu’ils demeurent présents sur les plantations des grands propriétaires avides de s’enrichir dans les colonies. Le Gouverneur de la Guadeloupe a pris cette même décision à l’encontre de tous les descendants des immigrés indiens. »

Henry décide  de porter cette affaire devant la justice et  demande à tous de rester calme. Il leur dit : Une décision fantaisiste ou même un décret ne peuvent ni abolir, ni l’emporter sur une loi qui est votée. Il engage une lutte sans faille contre le gouverneur de la Guadeloupe qui a fait afficher  par les Maires de l’île une note contraire à la loi du 26 juin 1889 et qui stipule : « Est Français, tout individu né sur une terre française, de parents inconnus ou dont la nationalité est inconnue ».

Ainsi le procès débute le mardi 23 février 1904 au tribunal du Chef Lieu : La Basse-Terre. Le juge rappelle les causes de cet appel et laisse la Parole à Me Lignières pour le suppléer, ce dernier passe en revue les lois  et  conclut à la radiation des noms de tous les indiens figurants sur la liste électorale de Capesterre.  Le juge ayant donné la parole à Henry Sidambarom, il exprime avec ironie sa satisfaction de voir déléguer  un membre du barreau de la Basse-Terre. Maître Lignières l’interrompt  et affirme plutôt être délégué par des citoyens de la commune et non du Gouverneur. Henry continue sa plaidoirie  avec aisance dans la langue française qu’il manipule parfaitement.  Déjà en homme averti, il avait pris l’attache de tous ses amis politiques pour le conseiller et le guider dans cette rude bataille. Il déclare toujours ironiquement avant d’en débattre sur sa cause.  «  Je suis fort honoré, moi qui n’ai pas eu le bonheur de connaître la France, notre grande Patrie, surtout pour y suivre les cours de droit  comme cet avocat, mon honorable adversaire  et dont la science est trop grande pour la mettre en parallèle avec mon ignorance concernant les questions de jurisprudence.

J’irai droit au but : « je repousse tous les textes qui viennent d’être invoqués ici concernant les établissements français de l’Inde ».  Avant de terminer sa plaidoirie, Henry déclare qu’un décret ne peut l’emporter sur une loi. Nous sommes régis par les lois   du droit commun, les mêmes qui sont applicables à la France continentale. Il évoque le cas de M. Soucé qui est un indien de l’Inde qui travaille au Gouvernement et qui n’a pas été radié sur la liste électorale. Y a t-il deux poids, deux mesures ?  Le tribunal renvoi au jeudi  25 pour le prononcé du jugement.

Le combat de Henry Sidambarom se poursuivait et l’affaire était renvoyée régulièrement   ou suspendue. Il multipliait les courriers au Ministre des colonies, au  Gouverneur de la Guadeloupe, au Procureur Général à Basse-Terre des courriers étaient également adressés par le Sénateur Cicéron, par  Les députés Gaston Gerville Réache, Gratien Candace, Achille René Boisneuf,  pour activer la solution d’une instante pendante  au tribunal de 1ère instance  afin de trancher la question de nationalité de  73 indiens inscrits sur la liste  électorale de Capesterre.

Ce n’est qu’en 1923  que le Ministre des affaires Etrangères, Président du Conseil des Ministres a pu trancher sur cette affaire et donner satisfaction  à Henry Sidambarom. Les  fils d’indiens nés sur cette terre française sont régis en la matière par l’article 8 paragraphe 3 du Code Civil modifié  par la loi du 22 juillet 1893, en vertu duquel la nationalité française leur est acquise.

Vingt  ans de lutte pour obtenir la citoyenneté française aux fils d’immigrés indiens. Grâce à sa persévérance, Henry Sidambarom  a gagné un procès politique pour les siens.

En 1944,  à l’âge de  quatre vingt un ans,  il est nommé Juge de paix suppléant du canton de Capesterre, l’équivalent du Médiateur  actuel de la République. Jusqu’à l’automne de sa vie, il s’occupait de la  régularisation et la mise à jour de la liste électorale de Capesterre.

En  1950,  le Conseil général de la Guadeloupe prend une délibération pour  demander que la Croix de la Légion d’honneur lui soit accordée. Réponse positive.

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